De la sensibilisation à l’action : comment Azmera Berhe et sa communauté ont vaincu la polio

En Éthiopie, la lutte contre la polio est à la fois un défi de santé publique et un parcours porté par les communautés. Malgré les progrès réalisés, des épidémies de poliovirus variant ont refait surface, en particulier dans les régions touchées par les conflits ou ayant un accès limité aux services de santé de routine. En réponse, le gouvernement – aux côtés de l’UNICEF et de ses partenaires – a intensifié les campagnes de vaccination à l’échelle nationale, avec pour objectif d’atteindre chaque enfant, sans exception.
Dans le village de Mekan-Endamekoni, au Tigré, cette mission prend un sens personnel. Pour Azmera Berhe, 34 ans, c’est un engagement ancré dans l’expérience, la résilience et l’espoir.
Photo : Bezawit, superviseure d’équipe, lors d’une visite porte-à-porte. © UNICEF Éthiopie
Apprendre, guider, protéger
Dans le calme village de Mekan-Endamekoni, Azmera Berhe attendait avec impatience l’arrivée de l’équipe de vaccination. Accompagnée de ses deux enfants, elle repensait à son parcours en tant que membre active d’un groupe de mères engagé pour la santé et le bien-être.
L’implication d’Azmera dans le groupe, créé en mai 2024, a été transformatrice. Composé de 30 femmes, il se réunit chaque semaine pour discuter de thèmes essentiels comme la vaccination, les soins prénatals, l’accouchement en établissement de santé, la nutrition, l’hygiène et l’assainissement.
« J’ai six enfants et, auparavant, j’en ai accouché deux à domicile, faute d’information », a-t-elle confié. « Grâce aux agents de santé communautaires et aux conférences mensuelles qu’ils ont animées, j’ai compris l’importance d’un suivi prénatal et postnatal complet. Malgré les difficultés liées à la COVID-19 et au conflit, qui ont perturbé l’accès aux soins, j’ai tout fait pour que mes enfants soient entièrement vaccinés. »
La détermination d’Azmera pour la santé de ses enfants ne faiblit pas.
« Mon avant-dernier enfant est né à la maison, en pleine période de conflit. Il est autiste. Je me demande souvent si cela est lié au manque d’accès aux soins à cette époque. Mais tous mes autres enfants ont été vaccinés, et mon mari et moi respectons toujours leur calendrier de vaccination. »

Photo : Azmera et ses enfants exprimant leur gratitude envers l’équipe. © UNICEF Éthiopie

Une campagne qui a atteint chaque foyer
En février 2025, lors de la campagne nationale de vaccination polio (SIA) intensifiée en Éthiopie, deux des enfants d’Azmera ont été revaccinés. Grâce à la coordination des agents de santé communautaires et des leaders du village, les familles comme la sienne ont été bien informées — définition de la polio, dates de campagne, tranches d’âge ciblées et signes de la paralysie flasque aiguë (PFA).
« Les agents de santé nous tiennent toujours au courant. Leur accompagnement nous rassure », a partagé Azmera.
Cet effort collectif a porté ses fruits. À Mekan-Endamekoni, les agents ont visité 20 ménages – et chaque enfant a été vacciné. Aucun n’a été oublié. Azmera a fièrement ajouté :
« Les gens pensaient autrefois que les vaccins pouvaient paralyser les enfants. Mais aujourd’hui, tout le monde sait qu’ils nous protègent justement de cela. »
La force communautaire et une planification rigoureuse
Bezawit, superviseure d’équipe, a salué le succès de la campagne :
« Nous avons atteint une couverture de 100 %, aucun enfant n’a été oublié dans ce village. Ce succès est le fruit de l’engagement des mobilisateurs sociaux, des séances de sensibilisation avec les chefs religieux et du dévouement de l’équipe de vaccination. »
Sindu Tesfay, agente de santé communautaire, a expliqué les préparatifs :
« Nous avons informé toutes les parties prenantes et formé les mobilisateurs sur leurs rôles et les messages clés. Leur implication a été cruciale pour informer les parents et assurer la vaccination des enfants. »

Photo : Sindu dans son bureau au poste de santé après la visite matinale. © UNICEF Éthiopie

Une campagne qui dépasse les frontières du village
Le succès de la campagne s’est étendu au-delà de Mekan Tabia. Le bureau de santé du woreda a rapporté :
• 12 908 enfants vaccinés — soit une couverture de 102 %, dépassant les objectifs fixés.
Malgré des retards dans l’approvisionnement en vaccins, la coordination entre l’administration du woreda et les bureaux sectoriels a permis un démarrage ponctuel de la campagne.
Le responsable du bureau de santé a précisé :
« Cette coordination nous a permis de mobiliser des ressources locales — y compris des véhicules — pour pallier les difficultés logistiques. Nous avons organisé en amont des séances de sensibilisation et de suivi avec tous les acteurs, y compris les chefs religieux. Des réunions quotidiennes nous ont aidés à compiler les rapports, ajuster les plans et résoudre rapidement les problèmes. »
Une véritable actrice de la santé
Le parcours d’Azmera montre tout ce qui devient possible lorsque les femmes ont accès à l’information et aux soins. Son évolution — d’une mère accouchant à domicile à une militante de la santé communautaire — illustre ce qui se passe dans toute l’Éthiopie, où les communautés s’unissent pour se protéger mutuellement.
Sa voix s’ajoute désormais à un mouvement croissant de parents, de travailleurs de première ligne et de leaders locaux qui prouvent que l’éradication de la polio n’est pas seulement un objectif de santé — c’est une responsabilité partagée.
Rédigé à Mekan-Endamekoni, région du Tigré, février 2025