Décrypter la polio à Mwanza : Mieux comprendre la communauté pour un avenir sans virus

Lorsqu’un poliovirus dérivé d’une souche vaccinale a été détecté dans l’environnement à Mwanza, les partenaires de santé se sont mobilisés rapidement — non seulement pour vacciner, mais pour écouter. Une étude rapide de diagnostic social a permis de mettre en lumière à la fois les forces et les lacunes du système : une forte couverture vaccinale et une grande confiance envers les agents de santé, mais aussi des mythes persistants, des risques liés à l’hygiène et des groupes vulnérables. Aujourd’hui, les résultats de cette étude guident des stratégies de communication sur les risques et d’intégration WASH mieux ciblées à travers la région.
À la suite de la détection environnementale d’un poliovirus dérivé d’une souche vaccinale de type 2 (cVDPV2) dans la ville de Mwanza, une étude de diagnostic social a été menée en avril 2025 pour évaluer la couverture vaccinale contre la polio, les connaissances, les attitudes et les pratiques communautaires. Cette étude, fruit d’une collaboration entre le Ministère de la Santé, l’UNICEF, le Tanzania Interfaith Partnership (TIP) et l’Université de MUHAS, visait à identifier les facteurs de non-vaccination et à orienter les interventions de communication sur les risques et de mobilisation communautaire (RCCE). Les résultats montrent une couverture élevée, mais révèlent également d’importantes lacunes en matière de connaissances et de pratiques d’hygiène, soulignant la nécessité de stratégies intégrées pour éliminer durablement la polio.
Introduction
La poliomyélite demeure une menace mondiale, notamment dans les régions où la couverture vaccinale et l’assainissement sont insuffisants. Bien que les efforts mondiaux aient permis de réduire considérablement les cas dus au poliovirus sauvage, l’émergence de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale (cVDPV) représente un nouveau défi. La détection d’un cVDPV2 à Mwanza — en l’absence de cas paralytique déclaré — a déclenché cette enquête visant à mieux comprendre les facteurs sociaux, comportementaux et culturels influençant la vaccination contre la polio. L’objectif : cerner les perceptions locales, identifier les groupes à risque et évaluer l’efficacité des efforts RCCE en place.
Méthodologie
L’étude a adopté une approche mixte combinant des enquêtes quantitatives auprès des ménages et des entretiens qualitatifs. Les données quantitatives ont été recueillies auprès de 508 parents/tuteurs dans les conseils municipaux de Nyamagana et Ilemela à l’aide de l’outil KoboCollect. Le questionnaire portait sur les caractéristiques démographiques, l’historique vaccinal, les sources d’information, le recours aux soins et les pratiques WASH. Les données qualitatives ont été recueillies auprès d’acteurs sanitaires, de leaders religieux et communautaires, puis analysées thématiquement. Les données quantitatives ont été traitées à l’aide de SPSS.
Résultats
Résultats quantitatifs
- Couverture élevée : 98,6 % des enfants ont reçu au moins une dose d’OPV ; 77 % ont reçu les quatre doses recommandées.
- Forte confiance : Les professionnels de santé et les agents de santé communautaires (CHWs) sont les sources d’information les plus fiables.
- Confiance envers l’État : 93,9 % des répondants sont satisfaits des efforts du gouvernement dans la lutte contre la polio.
- Lacunes en matière de connaissances : 50,2 % pensent que la polio est causée par l’absence de vaccination ; 31,3 % ne connaissent pas la cause réelle.
- Défis WASH : Bien que 89,6 % aient accès à l’eau potable, seulement 40 % disposent d’un poste de lavage des mains, et 18,9 % utilisent du savon de manière régulière.
Résultats qualitatifs
- Aucun cas paralytique signalé : Toutefois, la détection environnementale confirme la présence du virus.
- Facteurs de risque : Mauvaises conditions d’hygiène, mouvements de population en provenance de zones utilisant encore l’OPV2.
- Groupes vulnérables : Commerçants transfrontaliers, vendeurs informels, écoliers.
- Rôle central des CHWs : Essentiels pour le suivi des enfants non vaccinés, la lutte contre la désinformation et l’acceptation des campagnes.
- Mythes persistants : Peurs liées à la fertilité, sécurité du vaccin, etc.
Analyse
L’étude confirme la solidité du système de vaccination contre la polio à Mwanza, tout en soulignant les limites de la seule immunisation. Les lacunes en matière d’hygiène, les groupes vulnérables et les fausses croyances peuvent remettre en cause les avancées. Les CHWs jouent un rôle essentiel, mais nécessitent un appui renforcé. L’investissement dans leur formation, ainsi que dans l’intégration des stratégies RCCE et WASH, est crucial.
Conclusion
L’expérience de Mwanza démontre qu’il faut aller au-delà des campagnes de vaccination pour éradiquer la polio. Il faut bâtir la confiance, améliorer l’assainissement et garantir une communication adaptée. La Tanzanie doit poursuivre ses efforts pour renforcer les stratégies RCCE, améliorer les pratiques WASH, soutenir les CHWs et atteindre les populations les plus à risque.
Recommandations
- Renforcer l’éducation sanitaire : Combattre les mythes et améliorer la compréhension de la transmission de la polio.
- Appuyer les CHWs : Renforcer leur formation, fournir du matériel et assurer une motivation durable.
- Intégrer WASH : Associer vaccination, assainissement et hygiène à chaque étape.
- Surveillance renforcée : Maintenir la surveillance environnementale et la remontée communautaire d’informations.
- Cibler les groupes vulnérables : Intégrer les populations mobiles à toutes les phases des campagnes.