Ce que les communautés nous ont dit : Aperçus de l’enquête sociale sur la poliomyélite au Zimbabwe
Un cas récent de poliovirus dérivé de souche vaccinale de type 2 (PVDVc2) à Harare a déclenché une enquête sociale rapide dans trois zones de santé. Le centre de santé de Budiriro s’est distingué par la confiance de la communauté et la visibilité de la campagne, tandis que Mufakose et le centre de santé satellite de Budiriro ont révélé des lacunes en matière de sensibilisation, des idées reçues persistantes et des hésitations concernant les doses multiples du VPO. Ce type de recherche rapide, fondée sur les données, est essentiel pour orienter des actions ciblées plus intelligentes et renforcer la réponse à la poliomyélite au Zimbabwe.
Analyse comparative des résultats des enquêtes sociales sur le VDPV2 : Perspectives des centres de santé de Budiriro Polyclinic, Mufakose et Budiriro Satellite dans la province de Harare
Août 2024
Denford Munyaradzi Chuma
UNICEF Zimbabwe
Contexte
En réponse à un cas signalé de poliovirus dérivé d’une souche vaccinale de type 2 (VDPV2) en juillet 2024, des enquêtes sociales approfondies ont été menées dans les centres de santé de Budiriro Polyclinic, Budiriro Satellite Clinic et Mufakose, situés dans la province de Harare. Ces investigations ont été dirigées par l’équipe de Changement social et de comportement (SBC) de l’UNICEF, dirigée par Denford Munyaradzi Chuma et Berhanu Abebe Agonafir, en collaboration avec Norman Dzirambi et Israel Makwara du Ministère de la Santé et de la Protection de l’Enfance (MOHCC), dans le cadre d’une stratégie plus large d’investigation des cas.
Les enquêtes sociales visaient à comprendre les perceptions, comportements et attitudes des communautés à l’égard du programme de vaccination contre la polio et des services de vaccination de routine.

Photo : Des mobilisateurs sociaux se rassemblent devant un foyer pendant les entretiens communautaires à Harare. © UNICEF Zimbabwe
Objectifs
L’objectif principal était d’évaluer les perceptions communautaires concernant :
- La campagne de vaccination contre la polio et le vaccin oral antipoliomyélitique (VPO)
- Les services de vaccination de routine
- L’efficacité de la communication et de l’engagement communautaire
Portée de l’enquête :
- Entretiens rapides avec des leaders religieux et traditionnels locaux
- Enquêtes de grappes auprès de 60 ménages dans les communautés concernées
- Entretiens avec des informateurs clés, notamment des agents de promotion de la santé au niveau des districts et des établissements de santé

Photo : Une mobilisatrice communautaire écoute l’expérience d’une jeune mère concernant la vaccination et l’accès aux soins. © UNICEF Zimbabwe
Principaux résultats
1. Évaluation des risques communautaires
- Budiriro Polyclinic a démontré un fort soutien communautaire et une excellente visibilité des campagnes de vaccination. Les supports de sensibilisation étaient bien diffusés, les agents de santé jouissaient d’une grande confiance, et aucun obstacle lié à la sécurité ou à l’accès n’a été signalé. La communauté présentait une forte diversité ethnique et linguistique, avec une grande cohésion autour de la vaccination.
- Mufakose montrait un soutien et une visibilité modérés. Des objections religieuses (notamment de la secte Johanne Marange) ainsi qu’une faible diffusion d’informations sur le VPO posaient des défis. Des préoccupations sécuritaires, comme un mauvais éclairage public et des délits mineurs, affectaient la perception globale de la communauté.
- Budiriro Satellite Clinic fournissait des informations moins détaillées sur le soutien communautaire à la vaccination. Cependant, l’étude a révélé des schémas de déplacement notables et une certaine homogénéité linguistique (principalement shona), avec une composition religieuse et ethnique stable.
Résumé
Budiriro Polyclinic se distingue par un environnement de vaccination solide. Mufakose nécessite des interventions ciblées pour combler les lacunes en matière d’information et répondre aux objections religieuses. Budiriro Satellite Clinic nécessite une évaluation plus approfondie.
2. Caractéristiques des ménages et des soignants
- Les répondants de Budiriro Polyclinic ont signalé un bon accès à l’eau potable (principalement des forages), à l’assainissement, et un niveau élevé d’alphabétisation chez les soignants. La majorité résidait dans la région depuis plus de cinq ans, et 35 % ont déclaré voyager fréquemment pour des raisons professionnelles ou sociales.
- Les ménages de Mufakose utilisaient un mélange d’eau de forage et d’eau courante, avec parfois une dépendance à des puits non protégés. Les soignants étaient alphabétisés et souvent responsables des décisions de santé. Les chefs de famille, souvent commerçants, présentaient une grande mobilité résidentielle.
- Les ménages desservis par Budiriro Satellite Clinic avaient un accès à l’eau et à l’assainissement, bien que l’approvisionnement municipal en eau fût irrégulier et perçu comme peu sûr. Les soignants étaient généralement alphabétisés, avec une mobilité résidentielle moindre qu’à Mufakose.
Résumé
Bien que l’accès aux services de base et l’alphabétisation des soignants soient élevés dans les trois zones, des différences notables existent en termes de fiabilité de l’eau, de mobilité des ménages et de rôles décisionnels.

Photo : Une mère partage ses opinions sur la vaccination lors d’une enquête de proximité à Mufakose. © UNICEF Zimbabwe
3. Croyances sanitaires et comportements de recours aux soins
- À Budiriro Polyclinic, 100 % des soignants ont déclaré se rendre dans les centres de santé lorsque leurs enfants étaient malades. La confiance envers les professionnels de santé était élevée, avec un temps moyen de marche de 18 minutes pour accéder aux structures.
- À Mufakose, les structures de santé publiques étaient universellement utilisées. Le temps d’accès moyen était légèrement supérieur, à 24 minutes.
- À Budiriro Satellite Clinic, 95 % des répondants utilisaient les services de santé publics, avec une minorité ayant recours au secteur privé. Le temps d’accès variait entre 10 et 20 minutes.
Résumé
Le comportement de recours aux soins est fort sur l’ensemble des sites, avec une confiance généralisée envers les prestataires de santé et peu de barrières d’accès.

Photo : Des agents de santé échangent avec une mère pendant le suivi de la campagne contre la polio à Mufakose. © UNICEF Zimbabwe
4. Attitudes des soignants envers la prestation de services
- À Budiriro Polyclinic, 80 % des répondants étaient informés de la dernière campagne contre la polio. La plupart préféraient la vaccination en centre de santé, mais se montraient également favorables à la vaccination à domicile. Les équipes de vaccination étaient perçues comme professionnelles et bien préparées.
- À Mufakose, 95 % des soignants étaient informés de la campagne, avec une préférence équilibrée entre la vaccination à domicile et en établissement. L’acceptabilité des vaccinateurs était élevée, bien que seulement 85 % les aient trouvés pleinement compétents.
- À Budiriro Satellite Clinic, la sensibilisation était plus faible (65 %), mais 75 % des répondants ont indiqué que les vaccinateurs étaient venus à domicile. L’acceptabilité était bonne, avec une préférence de 60 % pour la vaccination à domicile.
Résumé
Les attitudes des soignants sont généralement positives, mais la sensibilisation à la campagne reste la plus faible à Budiriro Satellite Clinic, nécessitant un renforcement de la communication et du porte-à-porte.
5. Connaissances des soignants sur la polio et le VPO
- Les soignants de Budiriro Polyclinic avaient une connaissance modérée des symptômes de la polio et des bénéfices du vaccin oral contre la polio (VPO). Certaines idées fausses subsistaient (par exemple, la polio causée par de l’eau sale), bien que 90 % des répondants aient exprimé une forte inquiétude vis-à-vis du risque de polio.
- À Mufakose, les opinions étaient partagées quant au risque perçu. Un scepticisme modéré concernant la sécurité du VPO était rapporté. Le soutien communautaire était moyen (60 %).
- Les répondants de Budiriro Satellite Clinic présentaient des connaissances limitées : seulement 15 % savaient reconnaître les symptômes de la polio. Certains exprimaient des préoccupations quant à la sécurité des doses multiples.
Résumé
Des lacunes importantes en matière de connaissances persistent, en particulier à Budiriro Satellite Clinic. Des campagnes d’éducation ciblées sont nécessaires pour combler ces écarts.
6. Perspectives sur la mobilisation sociale au niveau sous-district
Les agents de promotion de la santé ont montré une implication modérée dans la planification et la communication des campagnes.
Principaux défis signalés :
- Matériel IEC inadéquat ou livré tardivement
- Complexité urbaine
- Enfants manqués en raison de déplacements ou de parents emmenant leurs enfants au travail
- Plans de mobilisation sociale peu robustes ou mal intégrés

Photo : Une mère reçoit des informations complémentaires d’un agent de santé après un contrôle de vaccination au domicile. © UNICEF Zimbabwe
7. Défis de la mobilisation sociale au niveau du district
Au niveau des districts, l’implication des responsables était limitée en dehors des périodes de campagne.
Principales contraintes :
- Ressources financières insuffisantes
- Absence de stratégies ciblées pour les enfants absents ou les familles hésitantes
- Faible intégration de la mobilisation sociale dans la microplanification

Photo : Une mobilisatrice communautaire échange avec une mère et son enfant lors d’un suivi dans le quartier de Budiriro. © UNICEF Zimbabwe
Recommandations
1. Renforcer le leadership et l’engagement :
Intégrer pleinement les agents de promotion de la santé dans la planification et la mise en œuvre des campagnes.
2. Intensifier la sensibilisation communautaire :
Mener des campagnes d’information de grande ampleur avant les campagnes de vaccination.
Informer rapidement les soignants en cas de changement dans la programmation.
3. Renforcer l’éducation sanitaire :
Inclure l’hygiène, les soins aux enfants et la prévention des maladies (ex. choléra) dans les causeries sanitaires de routine.
4. Diversifier les canaux d’information :
Aller au-delà du personnel de santé pour inclure écoles, marchés, églises et réseaux sociaux.
5. Améliorer l’accès à l’eau potable :
Répondre aux préoccupations liées à la contamination de l’eau, notamment à Budiriro.
6. Aborder l’hésitation vaccinale en privé :
Mener des dialogues confidentiels avec les familles hésitantes ou réticentes pour mieux comprendre et répondre à leurs préoccupations.
7. Renforcer l’engagement communautaire :
Promouvoir les visites à domicile et la présence d’équipes de vaccination mixtes.
8. Impliquer davantage les hommes :
Encourager leur participation à la sensibilisation et au plaidoyer autour de la vaccination.

Photo : Une mobilisatrice communautaire discute des pratiques de vaccination avec une mère devant son domicile à Budiriro. © UNICEF Zimbabwe
Conclusion
Cette analyse comparative met en lumière les dynamiques communautaires, les lacunes en communication et les défis opérationnels entourant la réponse à la polio dans la province de Harare. Budiriro Polyclinic représente un modèle d’engagement communautaire réussi, tandis que Mufakose et Budiriro Satellite Clinic nécessitent un appui renforcé. Des interventions adaptées, ciblées par zone, et appuyées par une mobilisation sociale robuste sont essentielles pour améliorer la couverture vaccinale et renforcer la résilience communautaire face aux maladies évitables par la vaccination.