Sur la route de Gadid : Atteindre l’inatteignable, une famille à la fois

Dans le nord aride de Djibouti, atteindre chaque enfant avec des vaccins vitaux relève souvent de l’exploit. Le village reculé de Gadid, niché dans les contreforts rocheux de la région d’Obock, se trouve bien au-delà des routes praticables et des services de santé habituels. Ici, la clinique la plus proche peut nécessiter une journée entière de marche—et de nombreux enfants grandissent sans jamais croiser le système de santé formel.
Mais lors de la campagne nationale de vaccination contre la polio en avril 2025, une équipe mobile a décidé de changer cette réalité. Son objectif n’était pas seulement d’administrer les gouttes de vaccin oral contre la polio, mais aussi d’identifier et de vacciner les enfants les plus vulnérables, notamment ceux laissés de côté par la vaccination systématique. L’équipe a parcouru à pied des sentiers escarpés, sous un soleil implacable—poussée par une conviction simple et puissante : aucun enfant ne doit être laissé pour compte.
Photo : Une mère et son bébé se préparent à rentrer chez eux après un long trajet matinal pour chercher de l’eau. À Gadid, les équipes de santé et de vaccination empruntent les mêmes chemins pour atteindre les enfants dans les hameaux les plus isolés. © UNICEF Djibouti
Une rencontre qui a tout changé
En route vers Gadid, l’équipe est tombée sur un petit puits, où une femme nommée Hawa puisait de l’eau, entourée de ses trois enfants. Une scène ordinaire en apparence, mais pour les vaccinateurs, c’était une opportunité rare—celle de protéger un enfant qui, sans cela, aurait peut-être échappé au système.
Hawa a écouté, d’abord surprise de voir une équipe de santé dans un endroit si reculé. Puis, en entendant que des vaccins étaient disponibles pour son bébé, son visage s’est illuminé.
Elle portait sa fille de neuf mois sur le dos et a expliqué pourquoi elle n’avait jamais pu se rendre à la clinique :
« Je n’ai pas le temps d’aller en ville pour faire vacciner ma fille », a-t-elle confié.
« J’ai eu de la chance de vous rencontrer aujourd’hui. »
Ce jour-là, son bébé a reçu les vaccins contre la polio et la rougeole, sur place, au bord du puits. Une rencontre imprévue s’est transformée en un acte de protection, d’écoute et de confiance.
« Vous m’avez trouvée par hasard », a dit Hawa avec émotion,
« mais c’était au moment où j’en avais le plus besoin. »

Photo : Les familles de Gadid puisent de l’eau dans des points d’eau peu profonds situés dans des lits de rivières asséchés. Les équipes mobiles coordonnent leurs efforts avec les communautés pour fournir vaccins et messages de santé là où l’accès est le plus difficile. © UNICEF Djibouti
Une mission qui va au-delà de la logistique
Cette rencontre n’était pas une coïncidence. Elle était le fruit d’une planification minutieuse, d’une connaissance du terrain, et d’une compréhension des réalités communautaires. Dans la région d’Obock, les équipes savent que pour atteindre les familles nomades, transhumantes ou isolées, il faut faire preuve de souplesse, d’adaptation et de détermination.
Chaque déplacement dans le nord de Djibouti est un défi physique, mais aussi un engagement moral. Il incarne le droit de chaque enfant à la santé—peu importe sa situation géographique ou sociale.
Atteindre Gadid, ce n’était pas seulement parcourir des kilomètres.
C’était restaurer l’équité, une famille à la fois.
Et maintenant ?
Alors que Djibouti renforce sa réponse aux épidémies et ses services de vaccination de routine, des histoires comme celle de Hawa nous rappellent que la réussite se joue dans les marges. Elle se construit dans l’effort de trouver ceux qu’on ne voit pas. Dans le temps qu’on prend pour écouter. Dans le vaccin administré au bord d’un puits, au bout d’un sentier.
Ce sont ces victoires discrètes qui nous rapprochent d’un monde où aucun enfant n’est oublié.
Par Kadra Mohamed Ali, Équipe SBC, UNICEF Djibouti, Avril 2025